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Écrit par Martin Flexman

Ce matin de décembre n’avait pas été tout à fait comme les autres. Il y avait eu d’abord, dans la rue étroite et grise, comme une promesse de clarté. Non pas cette aube froide et plombée des tristes jours de novembre, mais une franche lumière dorée. M. Müller, après avoir fait rouler son fauteuil près de la fenêtre, avait penché la tête pour découvrir un ciel couronné de toutes les splendeurs d’un jour naissant et rose. Même les nuages, petits et rondelets comme des angelots musiciens, se coloraient de fines nuances incarnates. Oui, ce matin-là avait été bien différent du long tunnel automnal des semaines passées où la lumière s’était perdue. Et pourtant, dans ce matin triomphant de toutes les trompettes célestes dont l’écho se diffusait jusque dans la cuisine, rien n’avait annoncé l’événement de cette journée. Sans doute parce qu’un tel événement ne se laissait pas imaginer. Sans doute parce qu’il échappait à l’ordre immémorial des saisons et des mondes.

Écrit par Martin Flexman

matriochats L’homme s’arrêta devant la porte de l’autre chambre. Dans sa main droite une hache. Le manche de la hache était en bois clair et verni, et son fer large, fondu dans de l’acier trempé, aussi aiguisé qu’une faux. Nul doute qu’elle pouvait, d’un seul coup, trancher tous les doigts d’une main, et, pourquoi pas, un bras ou une jambe, avec la même facilité. Et c’est d’ailleurs avec facilité et promptitude que la hache venait de servir dans la chambre d’à côté, et sa lame maintenant laissait tomber de petites gouttes sombres sur la moquette claire.

Écrit par Martin Flexman

Au regime des chats4 110 kilos, 1m 65. Petite grosse. C’est comme ça qu’on m’appelle parfois. Et de bien d’autres noms aussi, des noms pas agréables. Je ne sais pas pourquoi, mais les grosses, on leur trouve toujours un air vulgaire. Quelque chose de sexuel quand elles sont jeunes, qui attire certains hommes. Quelque chose d’écœurant et de suffocant quand elles prennent de l’âge. J’ai vingt-cinq ans ; je n’attire personne.

Écrit par Martin Flexman

Madame de la Cocardière avait quarante-sept ans et ne vivait que dans l’espoir de prendre part à des concours félins. Elle était toujours en train de chercher, dans les revues spécialisées sur les chats, les dates des expositions qui lui permettraient de mettre en valeur Pluton, son célèbre Bleu Russe, lequel avait raflé tous les best in show des cinq dernières années. Il arrivait que par une inexcusable distraction, ou parce qu’elle avait lieu en même temps qu’une autre, une exposition de moindre importance échappât à sa vigilance, mais elle était toujours sûre de se rattraper au prochain grand concours.

Écrit par Martin Flexman

passeur Tu verras le violet des iris. Pourquoi cette promesse comme un espoir, quand tout murmurait en elle que sa vie était sur le point de s’éteindre ? D’où provenait cette voix ? Ses mains amaigries posées sur le drap frais et rude, Alice ne pouvait les voir désormais. Non plus que les objets ni les meubles de la chambre. Car la nuit offusquait ses yeux et la chaude lumière de la lampe, à son chevet, ne diffusait qu’une vapeur dorée où toutes les formes perdaient leurs contours. Les choses, ces derniers temps — Alice l’avait constaté dans une semi conscience — s’étaient comme fondues en ombres. Les infirmières le matin ; les infirmières le soir : deux fantômes la soulevant avec précaution, frottant son corps douloureux à l’aide d’une éponge humide, la reposant doucement dans les draps propres et bien tirés où ses mains ridées et déformées somnolaient de nouveau.

Écrit par Valérie Levert

Un jeu-histoire pour les enfants du Club, ou pour ceux qui ont gardé une âme d’enfant.

Premier épisode : où est passée Félicie ? MachaMacha était un chat, un chat beau. Il aimait le gris et le vert, aussi portait-il toujours un pantalon en belle flanelle grise et une chemise en cotonnade verte. Aux beaux jours il les assortissait d’une grande casquette, verte également (pour passer inaperçu dans les arbres et sur les gazons). Dès que l’automne approchait, il troquait sa casquette pour un feutre gris. Il avait donc toujours fière allure et tout le quartier l’admirait sans oser toutefois le lui avouer. Il habitait une maison, ma foi, très agréable ; elle se dressait, blanche et bleue derrière une barrière d’arbres hauts et sombres. Elle était vaste, mais bon, il aimait l’espace qui lui permettait d’inviter ses amis.

Écrit par Martin Flexman

C’était une délicieuse vieille dame qui se présenta au cabinet du docteur Herne. D’épais cheveux gris remontés en chignon, et les joues soigneusement poudrées. Des yeux pervenche aussi, magnifiques, mais humides de larmes. Elle portait un grand paquet plat, mince et rectangulaire sous le bras. Quand le psychiatre la pria de s’asseoir, un sourire triste éclaira son visage, fugitivement. Sa voix encore jeune était ferme, ses mots choisis avec soin. Elle dit : « Voilà une semaine que je me demande si je dois vous consulter. Je me suis arrêtée à plusieurs reprises devant votre porte, le doigt sur la sonnette. Mais j’avais honte, je n’osais pas entrer. Une fois, votre secrétaire m’a vue sur le seuil, elle m’a demandé ce que je voulais. Je suis partie, sans rien dire. Elle a dû me prendre pour une folle. Et il est vrai que ce que j’ai à vous raconter est… »

Écrit par Martin Flexman

Le chat sur le faîte de la maison allait et venait d’un pas nerveux, le poil détrempé. A la recherche d’une issue, il parcourait à longues enjambées, entre les deux pignons, l’arête arrondie du toit, espérant toujours, mais toujours désappointé. L’eau montait.

Écrit par Martin Flexman

Surtout, n’éveillez pas le chat qui dort ! Cette recommandation, combien de fois l’ai-je entendue ? La secrétaire m’introduisait dans la salle d’attente, une petite pièce aveugle aux murs nus dont le mobilier se réduisait à deux chaises : celle où j’avais pris l’habitude de m’asseoir, et, face à elle, une chaise de paille toute simple où un chat gris bleu dormait en rond.

Écrit par Martin Flexman

— Raconte ! ordonna une fois encore l’adolescent aux gros genoux. La fille leva les yeux sur sa face anguleuse et salie. Il était d’une laideur rêche, tout en os épaissis trop tôt, les poignets déliés et le cou maigre d’où saillait une large pomme d’Adam entre les cordes tendues de ses jeunes muscles. Il y avait de la rudesse dans sa voix, mais son regard ombré d’un songe triste n’était que douceur. La fille s’accrocha à ce regard et quelque chose bougea en elle, comme à chaque fois que les yeux de l’adolescent démentaient l’impérieuse dureté de ses propos.

Écrit par Martin Flexman

Ce que la main saisit dans le désordre d’un grenier mal éclairé, au terme d’une avancée tâtonnante parmi des objets disparates et poussiéreux, pourrait bien être plus étrange et plus précieux que tout ce que vous avez accumulé au grand jour dans les pièces basses de votre maison. C’est ainsi que je ramenai à la lumière le cadre dédoré d’un miroir ancien dont le tain ne reflétait plus rien. Couvert de taches brunes comme les pages des vieux livres piquetés par les acides il n’offrait au regard que le métallique reflet de sa propre surface. J’avais beau approcher mon visage au plus près de son ovale aveugle, je ne distinguai rien, pas même une ombre, en dehors de cette constellation de piqûres minuscules, si nombreuses qu’elles en couvraient indistinctement toute la superficie.